Danser la Sorcière

Danser la Sorcière

Il me tient à cœur, en tant que danse-thérapeute, de donner aux femmes des outils de réappropriation de leur corps : danser la Sorcière est un magnifique outil pour ce faire, qui se marie parfaitement à des vertus de la danse que je chéris profondément et qui m’ont reconnectée à mon propre pouvoir. 

La Sorcière est libre 

Elle vit seule, elle n’est pas mariée ou bien veuve : aucune figure masculine ne la chapeaute ou l’encadre. Elle peut être vieille, voire laide : les normes de beauté et le souci des convenances lui sont étrangers. Enfin, elle existe absolument en dehors du regard de l’homme.

La danse est également un espace de liberté. Par rapport au temps qui s’écoule et paraît souvent suspendu, par rapport aux mouvements qui ne sont plus simplement utilitaires mais également porteurs de sens. Et également par rapport aux personnages qu’on peut incarner, aux scènes qu’on peut jouer, aux rêves qu’on peut matérialiser. La danse a ce pouvoir d’ensauvagement, d’encanaillement de l’individu. Elle libère son corps et ainsi libère son esprit. En cela, la danse est une forme de magie, puisqu’elle prête au danseur toutes les qualités de liberté de la Sorcière.  

La Sorcière ne craint pas de faire des grimaces, de tordre son corps, d’être dérangeante voire effrayante. Loin d’être enfermée dans son apparence, elle utilise son corps entier et tous ses sens comme outil d’exploration du réel et de sa propre intériorité. Danser la Sorcière, c’est aussi chercher la désarticulation, le mouvement brusque et sortir du beau et de l’esthétique. C’est s’autoriser à sortir de l’injonction au beau pour explorer le grotesque, le ridicule, le difforme. Le message est le suivant : mon corps est avant tout un outil d’exploration sensorielle du monde, et non pas un bel objet à la disposition des regards et du plaisir d’autrui. 

La sorcière est subversive et dangereuse  

Me vient toujours l’image de la Fée Morgane, redoutable séductrice et sorcière de grand pouvoir. Elle connait le pouvoir de toutes les plantes, peut voler et se changer en animal, navigue entre le monde des vivants et l’Au-delà… Elle est quasi unanimement considérée comme maléfique, au contraire de la Fée Viviane, dont la magie serait exclusivement dédiée au service du bien. Une lecture moderne du mythe de Morgane pourrait la présenter comme une femme libre et indépendante qui n’hésite pas à user de son pouvoir pour parvenir à ses fins, quitte à occire un ou deux chevaliers au passage. Ce qui rend Morgane « dangereuse », c’est précisément le grand pouvoir dont elle dispose et l’absence de garantie qu’elle n’en fera usage que pour le bien.

On retrouve également cette subversivité dans la danse. Si la pratique de la danse s’est réduite à celle des bals policés au XIXe siècle en Occident et qu’aujourd’hui nos danses populaires nous sont presque toutes perdues, c’est parce que les forces au pouvoir en ont perçu le pouvoir libérateur et jouissif et s’en sont méfiées. D’ailleurs, les colons ont interdit la pratique des danses traditionnelles dans de nombreux pays occupés. Notamment en Asie, où les femmes de pouvoir artistique (devadasi en Inde, geishas au Japon etc.) ont été reléguées au rang de prostituées.  

La Sorcière est connectée à son pouvoir

La première scène du film Les Sorcières d’Akelarre s’ouvre avec la phrase suivante : « rien n’est plus dangereux qu’une femme qui danse ». L’entendre a été pour moi comme une illumination sur ce qui m’a amenée à la danse-thérapie. Cela a forgé la conviction en moi que oui, la danse est dangereuse et que la femme qui danse est dangereuse parce qu’elle s’affranchit des prisons dans lesquelles l’homme cherche à l’enfermer. Donc oui, les femmes doivent danser, comme des sorcières, comme des succubes et des déesses, car elles viennent ainsi saisir au corps une des essences de leur pouvoir sur le monde.


Vous avez lu un extrait du mémoire de danse-thérapie de Viviane : « Le pouvoir du symbolique en danse-thérapie ». Retrouvez-la sur Instagram : @danse.avec.le.feu

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